Le 16 juillet, la startup américaine Airbnb a dévoilé son nouveau logo, censé symboliser les valeurs de la marque. Il a suscité une vague de commentaires moqueurs et de rejet. La raison? Il a été élaboré égoïstement par la direction d’Airbnb à rebours de ce qui a fait son succès : s’appuyer de manière collaborative sur la communauté de ses utilisateurs. C’est ce qu’explique Olivier Cimelière, directeur d’Heuristik Communications.
Le nouveau logo d’Airbnb devait symboliser l’écriture d’un nouveau chapitre du développement de la start-up californienne, et renforcer le sentiment d’appartenance de la communauté autour du site Web.
Dévoilé le 16 juillet dernier, le nouveau logo du site d’échange de logements entre particuliers aura surtout suscité des moqueries incisives et des soupçons insistants de plagiat. L’entreprise tente depuis péniblement de rebondir positivement sur le bad buzz engendré en appelant notamment les internautes à se réapproprier le logo. Opportunisme malin ou retard à l’allumage certain ?
Bien qu’aujourd’hui, l’heure soit à la défaillance digitale, Airbnb est d’abord une indéniable réussite entrepreneuriale. Impulsée en 2007 à San Francisco par deux jeunes Américains du nom de Brian Chesky et Joe Gebbia. Depuis, la popularité du site d’échange et de locations d’appartements entre particuliers dans le monde ne s’est jamais démentie.
A l’heure actuelle, la plateforme englobe 190 pays et accueille 1 million de visiteurs par mois (1). La France y est particulièrement en pointe puisqu’elle figure au 2ème rang des pays hôtes du site avec 70 000 hébergements proposés, c’est dix fois plus qu’en 2012 ! Depuis avril 2014, Airbnb a même intégré le clan très restreint des jeunes pousses de la Silicon Valley valorisées à plus de 10 milliards de dollars (2) après avoir levé avec succès plus de 500 millions de dollars de fonds au même moment. C’est dans ce contexte porteur que la start-up a souhaité dynamiser son identité visuelle.
Un logo aux fortes aspirations
Lorsque le 16 juillet, Brian Chesky, co-fondateur d’Airbnb, dévoile le nouveau logo de son entreprise, il n’est pas peu fier du travail graphique accompli. A ses yeux, il reflète parfaitement l’ADN de la société californienne, à savoir « un sentiment communautaire où que nous soyons dans le monde » (3).
Après avoir rappelé les racines historiques de l’aventure Airbnb, Brian Chesky est intarissable sur ce nouveau logo et les valeurs qu’il véhicule (4) : « C’est un symbole pour les gens qui veulent essayer le nouveau thé d’un village dont ils n’avaient jamais entendu parler et qui ne figure sur aucune carte. C’est un symbole pour aller là où les autochtones vont (…). C’est un symbole pour les gens qui veulent accueillir à travers de nouvelles expériences d’hébergement, de cultures et de conversations. Nous sommes fiers de présenter Bélo, le symbole universel de l’appartenance ».
Plusieurs mois de réflexion
Avec Bélo qui est présenté comme ayant requis plusieurs mois de travail et de réflexion, il s’agit de mieux incarner les gens qui constituent et alimentent l’essence même de la marque Airbnb. Sur ce point, Brian Chesky est sans ambages. Le nouveau logo doit pleinement devenir l’emblème de ce qui a toujours différencié Airbnb des autres offres touristiques (5).
« Aujourd’hui, nos modes de voyage relèvent tellement de l’industrie de masse et du service. Airbnb est justement à l’opposé. Nous sommes une communauté d’individus. Nous sommes mus par des gens aux horizons et aux croyances totalement différents. Chacun avec son regard et sa propre histoire à raconter ». La vocation du nouveau logo est donc clairement tracée. Il doit devenir le trait d’union universel entre tous les acteurs impliqués dans Airbnb, quel que soit le recoin de la planète concerné.
Un logo universellement … rejeté !
A peine lancé, Bélo a pourtant reçu une bordée de commentaires sarcastiques et éminemment moqueurs. En forme de cœur à l’envers dont le centre s’enlace pour mieux affirmer la génétique communautaire du site, le logo aura au moins « réussi » un pari : celui de s’attirer un large rejet épidermique de la part des internautes du monde entier.
Les exégèses les plus diverses n’ont guère tardé à essaimer sur les réseaux sociaux en dépit des longues explications argumentées de Brian Chesky sur le blog officiel de l’entreprise. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces interprétations se situent à mille lieues du discours corporate de la start-up.
Des connotations sexuelles et des blagues graveleuses
A ce petit jeu, les connotations sexuelles vont bon train autour du logo. Certains y voient un vagin, d’autres le gland d’un pénis et d’aucuns encore une poitrine féminine. Le tout est évidemment assorti de blagues graveleuses qui circulent à vitesse éclair sur les réseaux sociaux.
Devant ce concert de quolibets digitaux, le site d’information Slate demande à des designers d’évaluer le logo et d’en deviner le sens. Le résultat n’est guère plus brillant. Ainsi, deux d’entre eux déclarent spontanément (6) : « Cela me fait penser à un joli petit trombone. J’imagine que c’est le logo d’une entreprise de fournitures de bureau, qui s’adresse plus particulièrement aux start-ups » ou encore « On dirait un trombone, ou bien des seins, ou une flamme. Je dirais que c’est pour une compagnie de gaz ».
Pire, certains observateurs à l’œil plus acéré croient pouvoir déceler un début de plagiat. Les premiers trouvent une similitude visuelle gênant avec le logo de la chaîne de magasins de meubles Habitat. D’autres poussent plus loin la suspicion en déclarant tout bonnement que Bélo n’est ni plus ni moins la quasi copie conforme du logo d’Automation Anywhere, une société informatique américaine qui édite des logiciels professionnels. Un blog Tumblr est même créé pour la circonstance pour compiler tous les détournements persifleurs et taquins du nouveau logo Airbnb opérés par les internautes !
Le bad buzz était pourtant évitable
Bien qu’il soit toujours plus facile de réécrire un scénario une fois que les faits se sont produits, le bad buzz subi par Airbnb a pourtant de quoi dérouter tant il semble découler soit d’un amateurisme béat étonnant à ce niveau de stratégie de communication d’entreprise, soit d’une outrecuidance fatale pour n’avoir pas su (voulu ?) écouter sa propre communauté et s’inspirer de ce qui constitue la chair corporate même de la start-up.
En effet, Airbnb est avant tout une entreprise collaborative. Sans la contribution de milliers d’individus prêts à échanger ou louer leurs logis, le site n’aurait jamais concrétisé le chiffre de 15 millions de nuitées qu’il revendique actuellement à travers le monde.
Même si les fondateurs sont évidemment les chevilles ouvrières centrales de ce succès, la marque n’aurait jamais pu s’imposer ni se développer sans cette philosophie communautaire à laquelle se sont identifiés les internautes fréquentant Airbnb. Dans ce contexte, changer le logo et l’identité visuelle qui le sous-tend aurait dû être pareillement un projet collectif.
Les dirigeants d’Airbnb ont néanmoins préféré avancer de manière inverse. Au lieu de solliciter la communauté Airbnb et faire appel à sa créativité pour suggérer le prochain logo de la start-up, ils ont choisi de plancher de leur côté avec une agence pour accoucher du logo nouvelle génération.
Certes, lors du lancement, Brian Chesky a pris soin de préciser que ce logo devait désormais être accaparé et personnalisé par les utilisateurs d’Airbnb à travers une plateforme en ligne dédiée où chacun peut modifier à loisir les contours, les couleurs, le fond, le relief etc du dit logo. Il n’en demeure pas moins que la démarche n’a pas été perçue comme une véritable implication de la communauté à la nouvelle identité visuelle d’Airbnb. D’où probablement ce déferlement de lazzi à l’encontre du malheureux logotype Bélo.
Le ratage est d’autant plus regrettable qu’il s’accompagne aussi d’un rétropédalage d’Airbnb en ce qui concerne les accusations de copier-coller du logo d’Automation Anywhere. Ces dernières ont d’ailleurs conduit la start-up californienne à moduler son discours.
La suite à donner
Ben Wright, co-fondateur de l’agence de design anglaise derrière le logo Bélo, a ainsi déclaré au site américain The Drum être en discussions avec les dirigeants d’Airbnb pour la suite à donner à ce bad buzz gigantesque même si bravache il dit par ailleurs ne pas être dérangé par le vacarme des internautes.
Selon le site, la jeune pousse de la Silicon Valley a également publié une déclaration selon laquelle (7), «Airbnb et Automation Anywhere travaillent actuellement de concert pour traiter le problème. Automation Anywhere est en train de mettre en place un nouveau logo qui ne ressemblera pas au logo d’Airbnb ». Serait-ce reconnaître à demi-mot que l’affaire du logo commence à devenir un sac de nœuds dont il est urgent de s’extirper ?
Sources
– (1) – Clotilde Briard – « Le site Airbnb s’offre un nouveau logo pour s’imposer comme marque mondiale » – Les Echos – 16 juillet 2014
– (2) – Lucie Ronfaut – « Le nouveau logo d’Airbnb devient la risée des internautes » – Le Figaro – 17 juillet 2014
– (3) – Brian Chesky – « Belong Anywhere » – Blog officiel d’Airbnb – 16 juillet 2014
– (4) – Ibid.
– (5) – Ibid.
– (6) – Melissa Bounoua – « Le nouveau logo d’Airbnb ne ressemble pas à un vagin ni à un pénis, il ressemble surtout à un autre logo » – Slate.fr – 17 juillet 2014
– (7) – Jennifer Faull – « It doesn’t worry me in the slightest’ – DesignStudio founder responds to criticism of new Airbnb logo » – The Drum – 17 juillet 2014
Olivier Cimelière
Littéraire dans l’âme, journaliste de formation et communicant de profession, voilà pour le tableau synoptique express d’Olivier Cimelière. Olivier a 20 ans d’expérience et un parcours plutôt original dans des secteurs d’activité très variés. Expert en stratégie de communication d’entreprise et de réputation des dirigeants, il est directeur d’Heuristik Communications et anime le blog du communicant 2.0. Depuis avril 2014, il est directeur associé de l’agence d’image et opinions Wellcom.
Aujourd’hui le logo est accepté.