Lorsqu’on parle de réseaux sociaux et de jeunes, ces derniers sont perçus comme des êtres narcissiques, dénués de toute pudeur, avec une forte addiction. Ce sont trois idées fausses selon la sociologue Joëlle Menrath qui décrit des êtres qui gèrent plutôt avec discernement leur vie numérique.
Dès que le sujet des jeunes et des réseaux sociaux est évoqué, les trois premières idées qui viennent à l’esprit sont que les jeunes sont narcissiques, étalent leurs vie privée et intime, et tout cela avec une certaine addiction.
Le narcissisme chez les adolescents
La sociologue Joëlle Menrath dément ces trois idées. Elle a rencontré 25 adolescents de milieux sociaux contrastés et a présenté le résultat de cette étude qualitative réalisée pour la Fédération française des télécoms (FFT), lors de la conférence organisée par l’Adetem le 21 Mai, sur le thème du « vrai comportement digital du consommateur. »
Première critique, les réseaux sociaux sont vus comme « une autoproduction, une écriture de soi et un certain égocentrisme » cite la sociologue. L’exemple le plus pertinent est d’ailleurs « le selfie. » Mais Joëlle Menrath le perçoit plutôt comme « un code gestuel ». « C’est ‘l’équivalent d’un vêtement qui permet un remaniement identitaire par des photos de soi travaillées » dit-elle.
Elle insiste sur le fait que la numérisation pour un adolescent est un travail de l’image de soi qui est « très important, car l’image est très distinctive. » Pour les adolescents le digital sert comme « une expérimentation de soi » alors que pour les adultes, le digital permet de mieux se connaître.
L’absence de pudeur
Deuxième critique: l’absence de pudeur des jeunes. « Les jeunes ont très bien compris que la compétence communicationnelle réside dans le fait de contrôler ce qui va être mis en ligne » corrige-t-elle, que ce soit dans un but professionnel futur ou personnel. Pour elle, les jeunes ont donc assimilé qu’il faut savoir limiter l’accès « au sens de ce qu’ils vont poster, plutôt qu’au contenu lui-même. »
Le réseau social Ask.fm, très peu connu des adultes qui se place pourtant 3ème derrière Facebook et Twitter, permet aux jeunes de travailler en « sous-main sur leur territoire intime. » Il consiste à répondre à des questions de façon anonyme ou non selon le vœu de l’internaute.
La plupart de ces questions portent sur leur sexualité, mais ils restent libres d’y répondre ou pas. « Ils prennent le risque de répondre et de se mettre à nu face à des questions très intimes. Ils construisent la connaissance de l’intimité » souligne-t-elle.
La mauvaise utilisation du mot « addiction »
Troisième critique, l’addiction aux réseaux sociaux. « Lorsqu’un jeune se dit ‘addicte’, il ne faut pas le prendre à la lettre » prévient-elle. En effet, une addiction est synonyme de souffrance contre laquelle il est impossible de lutter. Cependant, « on peut voir que les jeunes font des efforts pour lutter contre cette digitalisation » pointe-t-elle.
Les jeunes finissent par être contraints de résister aux tentations du numérique. Ils arrivent à trouver toutes sortes de façon de se libérer du digital, observe la sociologue. « Certains vont placer leur ordinateur dans un coin inconfortable de leur chambre, ou ils vont le cacher au-dessus du frigo jusqu’à ce qu’ils finissent leurs devoirs. » Il est donc délicat de parler d’une addiction. « Contrairement aux apparences, les outils numériques ne sont pas aux centre de la vie des adolescents, mais à la périphérie. Ils sont leur environnement » conclut-elle.
Photo : Joëlle Menrath à la conférence de l’Adetem sur « le vrai comportement digital des consommateurs » le mercredi 21 mai, à Paris.
Morgane Mons
Morgane Mons est journaliste spécialisée dans les nouvelles technologies et la transformation numérique des entreprises. Esprit Geek, passionnée de multimédia, retrouvez ses actualités sur son fil twitter.