Yann Le Cun : « l’intelligence artificielle ne supprimera pas le métier de radiologue »

Yann Le Cun, Facebook, 23 avril 2019

Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’imagerie médicale, les médecins doivent-il cesser de faire des études de radiologie car ils seront dépassés par la machine et le Deep Learning ? C’était le propos en 2016 de Geoffrey Hinton, co-lauréat avec le français Yann Le Cun en mars dernier du prix Turing.

Une boutade à laquelle il ne croit pas lui-même


Yann Le Cun, Vice Président et Chief Artificial Intelligence Scientist chez Facebook, modère le propos  de son co-lauréat et parle de boutade. Il a pris la parole au collège de France, à l’occasion d’une journée sur l’imagerie médicale et l’intelligence artificielle, le 23 avril 2019.

« C’est un peu une boutade, il n’y croit pas lui-même » dit-il parlant de son co-lauréat. Yann Le Cun préfère pour sa part évoquer une répartition des tâches entre la machine et l’homme. « Mon opinion est que cela [NDLR : le Deep Leaning] ne va pas du tout supprimer le métier de radiologue bien sûr. En revanche, cela va probablement permettre aux radiologues de se concentrer sur les cas difficiles. C’est-à-dire que les cas simples vont être traités par les machines. Les cas vraiment non ambigus vont être éliminés. Ce qui va permettre aux radiologues de se concentrer sur les cas difficiles » décrit-il.

Il évoque même une amélioration des conditions de travail des radiologues. « Cela devrait rendre le travail un petit peu moins routinier dans certains cas. Je suis assis à côté de radiologues à l’école de médecine de NYU, [NDLR : New York University] qui passent une bonne partie de la journée dans une salle sombre à regarder des écrans et à passer d’une tranche à l’autre. Un réseau de neurones cognitif peut regarder le volume complet simultanément et appréhender le volume de l’image complet, au lieu de visualiser des tranches. Ce qui permet probablement de mieux interpréter l’image. Le métier de radiologue va changer, d’une certaine manière la productivité, la fiabilité et son intérêt vont s’améliorer » pense-t-il.


Disposer d’une description de chaque image

Seul bémol : afin d’améliorer les intelligences artificielles sur une question particulière notamment d’imagerie, il est nécessaire d’entraîner les algorithmes sur des images qui ont été annotées et décrites de manière précise par les médecins, radiologues en l’occurrence. Il s’agit d’une tâche longue et fastidieuse comme l’a pointé l’intervenant suivant, travaillant chez Incepto. Il a travaillé avec des radiologues afin d’identifier sur des radios les risques de fêlure de ménisque sur des radios.

Cette nécessité de disposer d’un jeu de données labellisées (c’est-à-dire décrites de manière intelligible) est un caillou dans la chaussure de l’intelligence artificielle. Yann Le Cun travaille actuellement sur cet enjeu afin de réduire la taille de l’échantillon d’images correctement labellisées. Il travaille ainsi sur l’apprentissage auto-supervisé. « Il y a besoin de moins de données étiquetées » décrit-il. « Cela commence à marcher un peu dans la reconnaissance de la parole, et il y a beaucoup de travaux en vision et en reconnaissance d’images, mais ce n’est pas encore très clair » conclut-il.

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