Les juges expérimentent courageusement la justice prédictive

La justice prépare la montée en puissance du numérique dans son métier

Depuis avril et jusqu’à la fin juin, les magistrats des juridictions civiles des cours d’appel de Rennes et de Douai testent un logiciel qui leur permet de retrouver rapidement la jurisprudence et les statistiques associées.

2,5 millions décisions de justice

Le logiciel est développé par a société Predictice. Il récapitule 2,5 millions décisions de justice et donne accès à la jurisprudence et aux textes de loi via une barre de recherche unique, en langage naturel. En un clic, Predictice calcule les probabilités de résolution d’un litige, le montant des indemnités et identifie l’environnement légal d’une décision.


La base de données des décisions devrait s’agrandir rapidement et nourrir le logiciel puisque depuis la loi Lemaire pour une république numérique de 2016, toutes les décisions de justice doivent être publiées en ligne.

Dans chaque cour d’appel, le logiciel sera utilisé par une dizaine de magistrats volontaires. Le test concerne les contentieux civils en droit du travail, les préjudices corporels et les prudhommes, la famille et l’immobilier. Les cas qui aboutiraient à l’emprisonnement de personnes sont exclus du champs du test.


Louis Larret-Chahine, associé-fondateur de Predictice donne un exemple d’usage au Parisien. Ainsi, pour un couple marié depuis 8 ans, ayant 2 enfants à charge,  qui divorce, le logiciel donne l’ensemble des décisions rendues répondant à ce profil, avec la probabilité d’obtenir une prestation compensatoire, son montant selon le tribunal et le moment de l’année.

Dans 5 ans, ce sera banal

Pourquoi la justice accepte-t-elle de se remettre ainsi en cause ? Le Président de la cour d’appel de Rennes, Xavier Ronsin, également cité par le Parisien, déclare qu’il préfère anticiper le mouvement sachant que d’ici 5 ans les avocats utiliseront ces outils et se serviront des statistiques dans leurs plaidoiries.

L’irruption du prédictif aboutit à l’industrialisation d’une pratique puisque les magistrats ont déjà créé leurs propres grilles de décodage, et de barèmes de pensions à partir par exemple des décisions de leurs prédécesseurs. Mais les outils que les juges ont ainsi créés ne prennent en compte qu’une faible partie de la jurisprudence. L’usage d’un logiciel révèle les limites de la justice actuelle. Il devra aider les magistrats à se concentrer sur les cas les plus complexes, laissant l’automatisation traiter le tout venant.

Le logiciel de Predictice est déjà employé par 250 professionnels du droit, selon le Figaro, essentiellement des avocats et des assureurs. L’AFP cite l’usage du logiciel à la bibliothèque de l’ordre des avocats, au palais de justice de Lille où il est en accès libre depuis février.

14% de procédures requalifiées 

Exemple, si on tape : « Licenciement pour faute grave, » 1500 jurisprudences sont identifiées. On voit alors que 14% des procédures ont été requalifiées en licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Les cas favorables selon les juridictions sont affichés, le montant des indemnités est précisé : dans 31% des cas, elles oscillent entre 17 000  € et 29 999 €.

 

 

 

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